Les immunothérapies par CAR T cells sont des médicaments vivants qui s’amplifient dans l’organisme afin de lutter contre la tumeur. Ce processus implique une consommation d’énergie et de nutriments importante que nous avons partiellement caractérisé par des dosages sanguins. Nous souhaitons approfondir ces connaissances en étudiant le métabolisme des patients à l’aide d’un calorimètre, avant le traitement, au cours du traitement (au 7ème jour après l’injection) et un mois après. La découverte de perturbations métaboliques pourra donner lieu à une étude de grande ampleur visant à optimiser les apports nutritionnels des patients recevant ce traitement dans le futur.
Rationnel
Les traitements par CAR T cells sont un standard pour les patients atteints d’un lymphome diffus à grandes cellules B (DLBCL) en rechute ou réfractaire à l’immunochimiothérapie de première ligne, avec des taux de réponses globales > 80%. Cependant, malgré un cout élevé et des toxicités précoces importantes, seulement 40% des patients sont long répondeurs1,2. De nombreux déterminants d’efficacité ont été identifiés, qu’ils soient liés à la tumeur, à l’hôte ou à la qualité du produit CAR T cell injecté, notamment la présence de lymphocytes T régulateurs, et présentant des caractéristiques d’épuisement3–5. Récemment un article a identifié la dénutrition préalable au traitement comme étant un facteur indépendant d’échec thérapeutique6.
Après injection, les lymphocytes T subissent une activation et une expansion au contact de l’antigène tumoral, afin de se spécialiser et pourvoir effectuer leur activité antitumorale. Ce processus est énergivore et nécessite des ressources en nutriment suffisante ; les différents sous-types de lymphocytes T ne reposent pas sur les mêmes voies métaboliques et ne sont pas soutenus par les mêmes nutriments7. D’autres travaux suggèrent qu’un stress métabolique soit à l’origine de l’épuisement des lymphocytes T8,9.
Nous avons étudié les dynamiques de nutriments plasmatiques entre le jour de l’injection des CAR T cells et le jour du pic d’expansion à l’aide de spectrométrie de masse. Nous avons identifié 3 groupes de patients, le premier caractérisé par une augmentation des acides aminés (acides aminés up), et une stabilité ou diminution des acides gras, le 2nd en miroir du premier, est caractérisé par une augmentation des acides gras (acides gras up) et une stabilité ou diminution des acides aminés, et un 3ème groupe caractérisé par une diminution de tous les nutriments mesurés (déprivé). Les patients des groupes acides aminés et acides gras up ont une cinétique d’expansion des CAR T cells plus haute. Mais seuls les patients avec une dynamique haute d’acide aminés branchés ont une survie prolongée.
Nous avons ensuite caractérisé les sous populations de CAR T cells sanguines présentes au moment de l’expansion à l’aide de single cell RNA seq, et identifié plus de lymphocytes T mémoires, avec une réponse de type 2 dans le groupe « acides aminés up » », plus de lymphocytes T régulateurs dans le groupe « acide gras up » et plus de lymphocytes T avec des caractéristiques d’épuisement dans le groupe « déprivés ».
Ces données permettent de formuler l’hypothèse que le métabolisme de l’hôte, notamment la composition plasmatique en nutriments, influe sur l’expansion de sous-populations de CAR T cells distinctes.
Afin d’étayer cette hypothèse, nous souhaitons caractériser le métabolisme énergétique de l’hôte en mesurant en calorimétrie indirecte le métabolisme glucidique, protéique et lipidique au cours de l’expansion des CAR T cells.
Objectif
- Distinguer les patients selon leur type de métabolisme énergétique
- Corréler le métabolisme énergétique à l’expansion, à la réponse antitumorale et aux toxicités des CAR T cells.
Méthodes
Type d’étude
Etude monocentrique, prospective, en soins courant et non interventionnelle.
Population
Patients adultes traités par CAR T cells pour un DLBCL en 2nde ligne ou plus au Centre Léon Berard ayant donné leur consentement.
Calorimétrie
Mesure du métabolisme énergétique, protéique, lipidique et glucidique par le calorimètre CANOPY9 en 4 points : à l’admission, avant la chimiothérapie lymphodéplétive, au J0 avant l’injection des CAR T cells et J7, jour du pic d’expansion des CAR et au J10 avant la sortie.
Durée de l’étude
12 mois, pour inclusion d’une 30aine de patients.
Résultats escomptés
L’identification de différences de métabolisme énergétique et leur association à la réponse antitumorale pourra constituer la base d’un essai interventionnel visant à optimiser le métabolisme de l’hôte par le façonnage des apports alimentaires oraux, entéraux et/ou parentéraux.
Centre Léon Bérard
Patients adultes recevant un traitement par Axicabtagene Ciloleucel dans l’indication d’un Lymphome Diffus à Grandes Cellules B en rechute ou réfractaire.
Nombre concerné (approximativement) : 30
Exécution d’une mission d’intérêt public (lutte contre le cancer ou autre mission d’intérêt public poursuivie par le responsable du traitement de données) (articles 6.1.e, 9.2.i ou 9.4 du Règlement (UE) n° 2016/679 et 44.3 Loi Informatique et Libertés)
Sylvain Lamure, praticien CLCC
2 ans après la publication scientifique puis archivage sur un support distinct